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FÉNELON.

oncle, parvenu aux premiers grades de l’armée, appela son neveu auprès de lui à Paris. On destinait l’enfant à l’Église, comme un fardeau de famille dont on se déchargeait alors sur le sacerdoce. On lui fit poursuivre ses études philosophiques et théologiques, plus fortes dans les hautes écoles de Paris. Son génie, naturel, facile et précoce, y éclata comme il avait éclaté à Cahors, mais de plus haut, et ses succès ainsi que ses grâces lui attachèrent de plus illustres amis. Cette gloire anticipée et cette faveur générale qui entouraient le jeune Fénelon firent craindre quelque enivrement du monde au vieil oncle son tuteur ; il se hâta de soustraire son neveu aux séductions de l’amitié et de l’admiration en le jetant dans le séminaire de Saint-Sulpice, pour l’attacher au sacerdoce par des vœux.

Pendant que Fénelon y poursuivait ses études en leur imprimant une direction moins profane, l’oncle, qui voulait donner lui-même à son propre fils les premières leçons de la guerre, le conduisait au siége de Candie, contre les Turcs. Ce fils unique, frappé, dès les premiers assauts, d’un boulet, y périt dans les bras de son père. Le vieux guerrier revint en rapportant le corps de son enfant à Paris. Il ne lui restait qu’une fille ; il la donna en mariage au marquis de Montmorency-Laval, de l’illustre maison de ce nom. La perte de son fils unique l’attacha davantage a son neveu. Vertueux et pieux lui-même, il s’étudia à ne faire des honneurs ecclésiastiques, pour le jeune néophyte, que le prix de la piété et de la vertu.

L’ardente imagination du lévite devait. naturellement le porter à l’héroïsme de sa profession. Il forma la résolution de passer les mers, de s’enrôler parmi les missionnaires qui allaient convertir le Canada au christianisme, et de se consacrer, comme les premiers apôtres de l’Évangile, à la poursuite des âmes parmi les idolâtres, dans les forêts du nouveau monde. L’image de ces Thébaïdes modernes l’at-