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MILTON.

taines, les herbes fleuries qui entr’ouvrent à présent leur sein plein de parfums, renfermés la nuit et répandus le matin, pour embaumer tes pieds et encenser tes cheveux ! »

Sa belle épouse se rassérénait à ces douces paroles. Mais, quoique déjà. consolée, elle laissait pleuvoir silencieusement, et sans la sentir, de ses paupières une douce larme. Elle l’essuya avec ses cheveux sur sa joue ; deux autres larmes surgissaient cependant déjà de leur source de cristal. Adam les cueillit dans un baiser avant leur chute. »

Les deux époux se lèvent, s’égarent dans les bocages, et, ravis d’un pieux enthousiasme pour le créateur de ces merveilles, chantent la prière, qui n’était alors qu’une exclamation d’admiration, de reconnaissance et de félicité.

Déjà, reprend dans un autre chant le poëte épique du premier amour, déjà la lumière éthérée commençait à entre-luire sur le jardin parmi les fleurs trempées qui exhalaient leur encens matinal, au moment où toutes les choses respirantes ou aspirantes sur le grand autel de la terre élèvent vers le Créateur des louanges muettes et les parfums des vies qu’il a créées. Le couple humain sortit de sa tente de verdure, et donna, dans son adoration, la paroles aux choses sans voix. Ève, la première, parla alors à son mari :

» — Va, lui dit-elle, où ton inclination t’entraîne, soit pour enlacer les rameaux souples du chèvrefeuille autour des arbustes qui l’élèvent avec eux vers le ciel, soit pour aider ces lianes grimpantes à monter au sommet des grands arbres, tandis que moi, là-bas, dans ce parterre confus de roses entremêlées de myrtes, je trouverai, jusqu’au milieu du jour, des grâces à ajouter par mes soins aux grâces de la terre ; car, lorsque nous travaillons trop près l’un de l’autre dans le jardin de délices,