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dans lesquelles il a consumé sa vie ont vieilli ; la distance les diminue tous les jours aux yeux de la postérité. Son histoire universelle n’est qu’un jeu de génie, ses controverses ne sont que des éclats de voix dont on n’entend plus le sens de si loin, après deux siècles. Le quíétisme, le jansénisme, les subtilités des maximes de l’Église gallicane, sont des cendres froides qu’aucune parole du prophète ne peut rallumer.

Les lettres à ses religieuses, les conférences avec ses synodes de Meaux, les sermons pour des prises d’habit dans ses cloîtres, les oraisons funèbres même de quelques reines, de quelques princesses, ou de quelques amis de cour plus ou moins dignes de cette grande voix, ne sont plus par le sujet que de magnifiques témoignages du néant de ces noms morts avec leur panégyriste. Tout est momentané, accidentel, dans les occupations de cette longue vie, et rien, excepté la langue, n’est de nature à rester monumental dans les âges.

Mais c’est Bossuet qui est le monument de lui-même. La nature était si grande en lui, qu’elle a survécu et survivra éternellement à ses œuvres. C’est la grandeur de Dieu, ce n’est pas la sienne ; c’est la plus abondante, la plus imagée et la plus haute parole dont la nature ait doué des lèvres d’homme.

Bossuet est tellement incorporé dans la gloire de la France, qu’en le diminuant, on retrancherait quelque chose à la majesté du génie français.

Ce nom ressemble à ces sommets des Alpes ou de l’Himalaya, couverts de neiges ou de foudres, que les hommes n’habitent pas, mais qui font la renommée et l’orgueil des contrées que ces montagnes tiennent à l’ombre, et qui servent à mesurer la hauteur à laquelle la terre peut s’élever dans le ciel.