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MILTON.

» Ainsi, avec l’année et l’année, reviennent les saisons et les saisons. Mais pour moi ne revient jamais le jour ! Je ne vois plus les blancs crépuscules du matin, ni les crépuscules dorés du soir, ni les herbes fleuries du printemps, ni les roses de l’été, ni les animaux dans les pâturages, ni le visage divin de l’homme. Le livre universel, où toutes les œuvres de la création sont écrites et effacées pour moi, n’est plus à mes regards qu’une page blanche ! Le sens par où pénètre dans l’homme toute science et toute sagesse m’est a jamais retranché.

» Luis donc d’autant plus intérieurement en moi, ô céleste clarté perdue pour mes sens ! Pénètre de tes rayons toutes les puissances de mon esprit ! Rends des yeux à mon âme, afin que je puisse voir et redire les choses invisibles à l’œil des mortels ! »

Cette invocation à la lumière est une des plus belles pages du poëme, parce que la le poëte est plus l’homme, et parce qu’au lieu d’imaginer, il sent.

Tout ce qui a lu connaît le poëme. C’est le récit de la Bible mêlé de fables, d’aventures et de longs discours. A l’exception de l’invocation que nous venons de reproduire, de quelques descriptions de l’Éden, et des amours d’Adam et d’Ève dans le paradis, le livre n’est immortel que par le style. Une fastidieuse théologie, moitié biblique, moitié imaginaire, alourdit le vol du poëte et lasse le lecteur. Dieu et le Fils de Dieu y parlent en hommes et non en divinités. Ils ont des amis et des ennemis dans leurs créatures ; des factions s’agitent dans le ciel et dans les enfers pour détrôner l’Incréé.

Les anges et les démons se livrent des combats dans l’espace avec des armes mécaniques et se tuent sans mourir, pour se disputer la possession d’un insecte appelé l’homme, sur un grain de poussière perdu dans le chaos, appelé le globe de la terre.