de nos fautes, ou des fautes de nos parents, il faut que votre père ait été lui-même bien coupable, car vous avez été vous-même bien malheureux ! »
Le roi ne s’offensa pas de la réplique.
Milton touchait à sa soixantième année. Mais il avait la verdeur d’esprit et la beauté de visage de la jeunesse. Le génie dévore les faibles et conserve les forts. Son loisir forcé l’avait rejeté dans la poésie, autrefois délassement, maintenant consolation de sa vie. L’idée du grand poème qu’il avait rapporté d’Italie, et ajourné jusqu’à l’âge des loisirs, roulait plus que jamais dans sa pensée. Il reprenait ses études hébraïques, grecques, latines, italiennes, avec la ferveur d’un adolescent. Le monde imaginaire l’enlevait délicieusement au monde réel.
Sa seconde femme morte, il en épousa une troisième, jeune et belle encore, pour servir d’âme à sa maison et de mère à ses filles. Il en fut aimé, malgré l’infirmité de ses yeux et sa misère. Il écrivit quelques livres et l’Histoire d’Angleterre pour gagner le pain de sa famille et les dots de ses filles. Mais son nom nuisait à la popularité de ses livres, et son poëme empiétait sur son histoire. Les royalistes s’indignaient de ce qu’on laissait vivre et écrire le parricide de son roi ; les pamphlétaires du parti de la cour l’invectivaient sans crainte de réponse.
« Ils m’accusent, écrit-il cependant à un de ses amis, étranger, dans une lettre recueillie depuis ; ils m’accusent d’être pauvre parce que je n’ai jamais voulu m’enrichir déshonnêtement ; ils m’accusent d’être aveugle parce que j’ai perdu les yeux au service de la liberté ; ils m’accusent d’être lâche, et, quand j’avais l’usage de mes yeux et de mon épée, je n’ai jamais craint les plus hardis ; enfin ils m’accusent d’être difforme, et nul ne fut plus beau que moi dans l’âge de la beauté. Je ne me plains pas même de ma cécité, aujourd’hui ; dans la nuit qui m’environne, la lu-