Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 36.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
MILTON.

et pour moi, avec vous et pour vous, par une magnanimité que son cœur de femme et de mère lui a fait trouver facile et douce !

» Quand ils m’auront fait mourir, ô mes enfants, je prierai Dieu qu’il ne répande pas les urnes de sa colère sur ce pauvre peuple.

» Que ma mémoire et ma tendresse vivent dans votre souvenir !

» Adieu donc jusqu’à ce que nous puissions nous rencontrer au ciel, car nous ne nous reverrons plus sur la terre !

» Qu’un siècle plus heureux se lève sur votre enfance ! »

De telles pages retrouvées dans un cercueil rappelaient les Psaumes d’un David des rois. Le peuple les lisait comme un plaidoyer céleste qui justifiait après le supplice les intentions et le cœur du supplicié. Milton les raillait comme une déclamation politique faite pour attester seulement le talent poétique de la victime.

« En vérité, disait-il en cherchant un ridicule dans les larmes et le sang du roi immolé, Charles lisait beaucoup les poëtes, et l’on peut croire qu’il a voulu laisser dans ces chapitres des essais poétiques propres à attester à la postérité ses talents d’écrivain ! »

Bientôt les invectives qui assaillaient de France et de tout le continent le peuple anglais pour lui reprocher son régicide obligèrent Milton à venger son pays. Le patriotisme l’inspira mieux que le régicide. Il publia la défense du peuple anglais contre l’écrivain français Saumaise.

L’attaque et la défense étaient également vénales. Saumaise avait reçu du roi de France cent pièces d’or pour flétrir le meurtre du roi d’Angleterre. Milton reçut de Cromwell mille pièces d’or pour justifier le sang versé. « Saumaise, dit Voltaire en parlant de cette polémique, écrivit en pédant, Milton répondít en bête féroce. » Le ju-