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MILTON.

l’Angleterre d’un remords qu’il fallait à tout prix apaiser. Ce livre produisait sur l’opinion de Londres l’effet que le testament de Louis XVI produisit à Paris et en Europe après la mort de ce roi. C’était le cri du sang, la voix de la conscience après celle de la passion. On attribuait ce livre posthume à Charles Ier, très-capable de l’avoir écrit dans sa prison, en expectative de la mort.

Milton répondit à l’Éikon basilicon par un autre livre intitulé l’Iconoclaste, par des arguments et par des injures ; mais ces injures, adressées à un cadavre décapité, ressemblaient à des sacriléges. Et que pouvaient des arguments contre des larmes ?

Le livre posthume de Charles Ier ne demandait que de la miséricorde à Dieu, de la pitié à son peuple, de la mansuétude à son fils. C’était la confession d’un roi captif, qui repassait dans sa prison les fautes de sa vie, et qui n’atténuait pas la plus grande de ces fautes, la concession de la mort de son fidèle ministre, le comte de Strafford, dans l’espoir de ramener à ce prix son parlement.

« Hélas ! dit-il, pour apaiser un orage populaire, j’ai soulevé ainsi une éternelle tempête dans mon sein.

» Puisque les événements de la guerre sont toujours incertains, et ceux de la guerre civile toujours déplorables, quel que soit mon sort, je suis destiné à souffrir presque autant de la défaite que de la victoire : ô Dieu ! accorde moi donc le don de savoir souffrir !

» Mes ennemis, dans cette prison, ne m’ont laissé de cette vie que l’écorce.

» Tu ne verras plus le visage de ton père, ô mon fils ! c’est l’ordre de Dieu que je sois enseveli à jamais dans cette ténébreuse et dure prison ! Reçois donc mon dernier adieu !

» Je vous recommande votre mère après moi ; souvenez-vous qu’elle a voulu, en revenant malgré moi de France, partager mes périls et mes souffrances ; souffrir avec moi