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MILTON.

dans ses larmes ; créature si belle et si puissante, implorant maintenant le pardon, la réprimande et l’assistance de celui à qui elle avait déplu.

» Tel qu’un homme dont Parme se brise dans ses mains, il sent fléchir toute sa colère, il relève sa femme, et, avec une voix et des paroles adoucies : « Lève-toi, lève-toi ; dit-il, ne revenons pas sur nos malheurs ! ne nous blâmons pas l’un l’autre, nous, assez blâmés ailleurs !… »

» Eve, à son tour, se repent et se dévoue à la consolation de son mari.

» Elle cessa de parler, et la douleur peinte sur son visage dit dit le reste. Ses pensées l’avaient tellement tuée d’avance, que la pâleur de la mort était sur ses joues ! »

Cette réconciliation fut suivie d’années de paix et d’amour, pendant lesquelles trois filles naquirent pour consoler plus tard les jours avancés du poëte. La paix était dans sa maison, la consternation dans le palais de White-Hall. Cromwell venait de permettre ou de provoquer gratuitement le meurtre du roi vaincu et prisonnier. Milton, qui avait suivi le protecteur dans la guerre, le suivit dans le crime. Il pouvait ou implorer la grâce de Charles Ier, ou se laver les mains de son sang, ou se séparer en gémissant d’une cause qui s’incriminait ainsi devant Dieu et devant les hommes. Soit dévouement au protecteur jusqu’au sang, soit fanatisme, il ne témoigna ni hésitation, ni pitié, ni horreur. Il fit plus que d’accomplir le régicide, il le justifia après le coup de hache qui avait fait rouler la tête du roi captif de l’armée. Ses arguments portent tous à faux.

Milton pouvait défendre l’opinion que les rois, n’étant que des hommes investis comme tous les autres magistrats d’un pouvoir conditionnel et nécessairement responsable, n’ont pas pour leurs crimes le privilège de l’impunité.

Mais Milton avait, en outre, Et prouver trois choses qu’il ne tente même pas de prouver : premièrement, que Charles Ier,