« Mais parlons de Pauline, l’aimable, la jolie petite créature ! Je suis étonnée qu’elle ne soit pas devenue sotte et ricaneuse dans ce couvent. Ah ! que vous avez bien fait de l’en retirer. Gardez-la, ma fille, ne vous privez pas de ce plaisir ; la Providence en aura soin. Je vous conseille de ne pas vous défendre de l’aimer, quand vous devriez la marier en Béarn. »
Dites-moi si vous ôterez Pauline d’avec vous ; c’est un prodige que cette petite, son esprit est sa dot. Je la mènerais toujours avec moi, j’en ferais mon plaisir, je me garderais bien de la mettre (au couvent) avec sa sœur. Enfin, comme elle est extraordinaire, je la traiterais extraordinairement. »
« Jamais vous ne serez embarrassée de cette enfant ; au contraire, elle pourra vous être utile ; enfin j’en jouirais, et ne me ferais point le martyre de m’ôter cette consolation. »
Cette digression nous a paru nécessaire pour montrer la protestation du cœur de madame de Sévigné contre cette coutume barbare qui sacrifiait les filles à la fortune du fils. Reprenons notre récit à la première séparation de madame de Sévigné d’avec madame de Grignan.
Le frisson de cœur de madame de Sévigné, à l’approche du moment où il faudrait rendre sa fille à son gendre, la saisit le lendemain de la délivrance de madame de Grignan. La douleur la rend pour la première fois éloquente ; ses lettres à M. de Grignan ne sont plus des conversations et des anecdotes, ce sont des supplications et des plaidoyers. Elle lui dispute un à un les semaines, les jours, les heures ; tous les prétextes lui sont des raisons pour ajourner ce fatal départ ; elle sent qu’on va lui arracher son âme, elle à l’agonie de la séparation. Ces lettres palpitent, brûlent, ou transissent comme la peau. La puérilité y de-