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MILTON.

mariage : quand ils n’existent pas entre les époux, le mariage n’unit que des antipathies et des haines. »

Il avait obtenu le divorce, il était prêt à épouser une autre femme, quand le souvenir du premier amour se réveilla peut-être par la jalousie dans le cœur de l’épouse fugitive. Milton lui-même se souvint de l’avoir trop aimée, et sentit qu’il l’aimait encore. Une rencontre préparée par des amis, à l’insu des deux époux, acheva la réconciliation.

Un jour que le poëte, invité par un de ses voisins à la campagne, s’entretenait mélancoliquement avec cet ami de l’isolement et de la tristesse de sa vie, en regrettant les jours de bonheur qu’il avait passés avec Marie Powell, jadis son amour et toujours son regret, la porte d’une chambre voisine, derrière laquelle Marie écoutait la conversation, s’ouvre, et l’épouse de Milton tombe à ses pieds et bientôt dans ses bras. Les repentirs, les larmes, les embrassements, achevèrent la réconciliation et laissèrent à Milton une impression si délicieuse, qu’il en fit plus tard, dans sa vieillesse, une des scènes les plus pathétiques de son poëme : la Réconciliation d’Adam et d’Ève.

« Mais elle, les yeux baignés de larmes et ses longs cheveux épars sur ses épaules, se prosterna à ses pieds, et, les enlaçant de ses bras, elle implora son pardon. « Ne m’abandonne pas ainsi, ô Adam ! Le ciel est témoin de l’amour respectueux que je nourris pour toi dans mon cœur ! Si tu me délaisses, où veux-tu que je vive ? Ah ! pendant que nous avons encore à vivre ici quelques heures, si fugitives peut-être, que la paix les adoucisse entre nous deux ! »

» Elle s’interrompit par ses sanglots ; son humble attitude, jusqu’à ce que le pardon et la paix sortissent des lèvres de son époux, attendrit Adam. Il s’émut de voir celle qui avait été naguère sur son cœur, sa vie, sa joie, ses délices, prosternée maintenant à ses pieds, sur la terre,