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GUTENBERG.

non sans but, en homme qui laisse errer son imagination au caprice de ses pas, mais portant partout avec lui sa pensée fixe, comme une volonté immuable conduite par un pressentiment. Cette étoile, c’était sa pensée de répandre avec la Bible la parole de Dieu sur un plus grand nombre d’âmes.

Ainsi, c’était la religion qui, dans ce jeune apôtre ambulant, cherchait le van pour répandre une seule semence sur la terre, et qui allait trouver le semoir pour mille autres graines. Il est glorieux pour l’imprimerie d’avoir été donnée au monde par la religion, et non par l’industrie. Le zèle seul était digne d’enfanter l’instrument de toute vérité.

On ignore quels procédés mécaniques Gutenberg combinait jusque-là dans sa pensée. Mais un hasard les effaça tous, et le rapprocha instantanément de sa découverte. Un jour, à Haarlem, en Hollande, la sacristain de la cathédrale, nommé Laurent Koster, avec lequel il s’était lié d’une amitié curieuse, lui fit admirer dans la sacristie une grammaire latine, ingénieusement reproduite par des caractères taillés sur une planche de bois pour l’instruction des séminaristes. Un hasard, ce révélateur gratuit, avait enfanté cette ébauche d’imprimerie.

Le jeune et pauvre sacristain d’Haarlem était amoureux. En allant se promener et rêver au printemps, les jours de fête, hors de la ville, il s’asseyait sous les saules au bord des canaux. Le cœur plein de l’image de sa fiancée, il se complaisait, comme tous les amants, à graver à l’aide de son couteau la première lettre du nom de sa maîtresse et la première lettre de son propre nom, entrelacées ensemble en symbole rustique de l’union de leurs âmes et de l’enlacement de leurs destinées. Mais, au lieu de laisser ces lettres gravées sur l’écorce pour grandir avec l’arbre, ainsi qu’on voit au bord des forêts et des ruisseaux tant de chif-