Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 35.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
93
GUTENBERG.

Mayence, ceux de Mayence à Strasbourg, et ils attendaient un retour de fortune à leur parti ou un rappel de leurs concitoyens.

Le jeune Gutenberg, dans ces querelles intestines de Mayence, gentilhomme lui-même, et combattant naturellement pour la cause la plus sainte aux yeux d’un fils, celle de son père, fut vaincu par la bourgeoisie, et proscrit, avec tous les chevaliers de sa famille, hors du territoire de Mayence. Sa mère et ses sœurs y restèrent seules en possession de leurs biens, comme des victimes innocentes à qui on n’imputait pas le crime de leur noblesse. Son premier exil ne fut pas long, la paix fut scellée par le retour des proscrits. Une vaine querelle de préséance dans les cérémonies publiques, à l’occasion de l’entrée solennelle de l’empereur Robert, accompagné de l’archevêque Conrad, à Mayence, ayant ranimé les rivalités des classes en 1420, le jeune Gutenberg subit à dix-neuf ans son second exil.

La ville libre de Francfort s’offrit cette fois pour médiatrice entre les nobles et les plébéiens de Mayence, et obtint leur rentrée à des conditions d’égalité des patriciens et des bourgeois dans la magistrature du gouvernement. Mais Gutenberg, soit que sa valeur dans la guerre civile l’eût rendu plus redoutable et plus hostile à la bourgeoisie, soit que son orgueil, nourri des traditions de sa race, supportât impatiemment le poids des plébéiens, soit plutôt que dix ans d’exil et d’études à Strasbourg dussent déjà tourner ses pensées vers un but plus noble que de vains honneurs dans une république municipale, refusa de rentrer dans sa patrie. Sa mère, qui veillait à Mayence sur son fils, demanda à la république qu’on lui fît au moins toucher comme pension une modique partie du revenu de ses biens confisqués. La république répondit que le refus de rentrer dans sa patrie était de la part du jeune patricien une déclaration