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GUTENBERG.

tenait un grand nombre pour ses édits, les orateurs pour leurs discours. Plus tard, sous le Bas-Empire, ce furent les eunuques, race à la fois dégradée et privilégiée, qui copièrent à Byzance les chefs-d’œuvre de l’antiquité grecque, latine, hébraïque.

Enfin, ce furent les moines, copistes volontaires, qui, dans le silence de leurs monastères, se consacrèrent à cette multiplication de la parole sacrée ou de la parole profane, en copiant et en recopiant ces millions d’exemplaires de la Bible, de l’Évangile et des auteurs illustres de l’antiquité, à la renaissance des lettres. Comme les esclaves et comme les eunuques, ces moines, logés, nourris et vêtus gratuitement dans des monastères fondés et dotés par la munificence des rois, des seigneurs de terre ou des fidèles, pouvaient donner à des prix très-modiques la publicité aux ouvrages d’esprit. Ils n’avaient pas besoin de salaire, puisque leur ordre religieux, enrichi des dons et des domaines de la religion, pourvoyait à tous leurs besoins.

Bientôt ces manuscrits, occupation de leur loisir pour les moines, profession manuelle et commerciale pour les laïques et pour les clercs, devinrent un objet d’art qui enfanta des chefs-d’œuvre de patience, de calligraphie, de miniature, de dessin à la plume, de coloration au pinceau. L’art de l’imprimerie, quelque perfectionné qu’il soit aujourd’hui par les Didot, les Bodoni, les Bentley et tous les grands maîtres de la presse, n’a pas égalé encore et n’égalera peut-être jamais quelques-uns de ces manuscrits sur les pages desquels, comme sur des temples de Jérusalem, de Rome ou de Cologne, se sont usées des milliers de mains, et consumées successivement des vies entières de religieux ou d’artistes.

Néanmoins ce mode de reproduction de la parole écrite avait toujours deux immenses infériorisés sur l’imprimerie : il était lent, et il était cher ; il ne produisait pas suffisam-