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GUILLAUME TELL.

que Dieu. Les gardes du gouverneur l’avaient désarmé, arrêté et attaché avec des cordes au tronc du sapin qui portait le chapeau.

Gessler averti était heureux d’avoir trouvé un coupable pour frapper en lui toute la race des paysans. Il accourut, suivi d’une nombreuse escorte, à Altorf. Mais ici l’histoire de la Suisse, embarrassée par des traditions trop vagues et trop diverses, laisse achever le récit à la poésie, seule capable d’immortaliser ces grandes scènes primitives de la naissance des peuples libres. Voici comment le grand poëte de l’Allemagne et de la Suisse raconte, d’après les souvenirs des Alpes, la scène simple et terrible entre Guillaume Tell et le tyran.

La scène est dans une prairie, devant le village d’Altorf. Au milieu de la prairie s’élève la perche couronnée du chapeau du gouverneur. Les archers de Gessler entourent la perche. Le peuple d’Altorf et des environs est répandu çà et là, par groupes consternés, autour de la prairie. La chaîne neigeuse des Alpes du Bannberg s’élève au fond, dans un ciel pur, comme un reproche de la nature à la tyrannie qui veut enchaîner la terre libre.

Les gardes s’entretiennent entre eux à voix basse.

FRIESSHARDT ET LEUTHOLD
montant la garde

Friesshardt. — Nous attendons en vain, personne ne passera par ici pour faire sa révérence au chapeau. Il y avait cependant tant de monde ici qu’on eût dit une foire ; mais, depuis que cet épouvantail est suspendu à cette perche, la prairie est devenue déserte.

Leuthold. — Nous ne voyons que des misérables qui viennent