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GUILLAUME TELL.

de lacs, de torrents et de neige, qui leur rappelait leur propre pays. La taille élevée, la chevelure blonde, l’azur des yeux, la blancheur du teint, la majesté calme de l’attitude dans les Suisses des petits cantons, la similitude même des noms de race et des noms de lieux, attestent cette parenté lointaine avec les Suédois. Ces barbares avaient apporté avec eux leurs idolâtries boréales. Des missionnaires ermites venus de la Gaule et de l’Italie y semèrent le christianisme. Ce peuple, simple et naïf, était accessible par l’imagination au prestige des miracles. Sa sobriété, sa chasteté, sa piété naturelle, sa vie toujours en lutte avec les éléments, force visible de Dieu, le prédisposaient également aux vertus de la nouvelle doctrine ; l’Évangile conquit facilement sa foi et son cœur. Ces vertes thébaïdes se remplirent, comme les thébaïdes d’Égypte, de chapelles, chapelles, d’ermites, de monastères, objets de la vénération de ces peuplades gouvernées par leurs croyances plus que par leurs lois ; Bientôt les Francs et les Germains, dont on retrouve également les filiations en Suisse, débordèrent des Gaules et de l’Allemagne dans ces vallées. Leurs chefs y construisirent des châteaux forts, y assujettirent les paysans, et y fondèrent de petits États indépendants les uns des autres, et souvent en guerre entre eux. Ces États, duchés, comtés, baronnies, fiefs, étaient bornés par un glacier, un lac, un précipice, une montagne, régime féodal né du régime patriarcal qui régissait les tribus, quand ces tribus étaient encore errantes. Le seigneur féodal n’était qu’un patriarche dont la tente était devenue un château fortifié.

Charlemagne, qui avait étendu sa main sur tout l’occident, incorpora toutes ces seigneuries et toutes ces villes de l’Helvétie à l’empire de l’Allemagne. L’empereur d’Allemagne devint le suzerain de l’Helvétie. Les villes se placèrent sous sa protection, pour se préserver des nouvelles