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HÉLOISE. — ABÉLARD.

d’Abélard et d’Héloïse, qui ne lui appartenait que comme le proscrit appartient au prescripteur. L’opinion publique protesta contre cet enfouissement dans une basilique fermée, d’un monument qui appartenait au regard et au sentiment publics. On le relégua dans une nécropole de Paris au cimetière du Père-Lachaise. Là on voit encore les statues, couchées côte à côte, d’Héloïse et d’Abélard, parsemées tous les jours de couronnes de fleurs funèbres, éternellement renouvelées, sans qu’on voie la main qui les dépose ; ils semblent avoir une parenté éternelle et tendre dans toutes les générations qui se succèdent sur la terre. Ce sont les âmes aimantes séparées par la mort, par la persécution ou par l’inflexibilité du monde, de ce qu’elles aiment ici-bas ou de ce qu’elles regrettent dans le ciel. Elles témoignent autant qu’elles le peuvent, par ces offrandes mystérieuses, leur admiration pour la constance et pour la pureté dans la passion ; elles portent envie à cette union posthume de deux cœurs qui transposèrent la tendresse conjugale des sens à l’âme, qui spiritualisèrent la plus brûlante et la plus sensuelle des passions, et qui firent un holocauste, un martyre et presque une sainteté de l’amour.