Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 35.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
HÉLOÏSE. — ABÉLARD.

rent se ranimer pour entourer l’épouse rendue à l’amour céleste d’un éternel embrassement. Cette crédulité des temps, transformée en miracle d’amour, fut racontée par les historiens, chantée par les poëtes, et consacra dans l’imagination du peuple la sainteté des deux époux.

Ils reposèrent ainsi cinq cents ans dans une des nefs du Paraclet, tantôt séparés par les scrupules de l’abbesse, tantôt réunis de nouveau pour obéir au vœu conjugal qui était sorti de leur vie, de leur mort, et qui sortait encore de leur tombeau.

La révolution française. qui jeta aux vents tant de poussières profanées de rois et de princes de l’Église, respecta la poussière des deux époux. En 1792, le Paraclet ayant été vendu comme propriété ecclésiastique, la ville de Nogent recueillit les tombes, et les abrita solennellement dans sa nef. En 1800, Lucien Bonaparte, zélateur des lettres et collecteur des reliques du passé, autorisa un artiste pieux, M. Lenoir, à transporter ce cercueil au musée des monuments français, à Paris.

On constata en ouvrant le plomb funéraire, disent les témoins, que les deux corps avaient été d’une grande stature et de belles proportions. « La tête d’Héloïse, répète M. Lenoir, est d’un admirable contour ; son front, d’une forme coulante, bien arrondie, en proportion avec les autres parties de la tête, exprime encore la plus parfaite beauté. Les deux statues couchées sur le tombeau ont été moulées sur ces restes recomposés par la pensée du statuaire. Quelques années plus tard, la chapelle monumentale qui encadre la tombe des deux époux devint l’ornement d’un jardin de ce musée. » La foule, qui recherche surtout les monuments du cœur, s’y pressait sans cesse. En 1815, le gouvernement des Bourbons, qui relevait pieusement tous les tombeaux pour rendre au peuple le culte du passé, voulut restituer à l’abbaye de Saint-Denis le cercueil