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HÉLOÏSE-ABÉLARD

ANNÉE 1070 DE J.-C.



On n’écrit pas cette histoire, on la chante. On ne craint pas de la chanter dans un livre historique destiné à reproduire les plus grandes choses de la pensée et du cœur qui ont influé sur le sort des nations : car l’amour est aussi une des grandeurs de notre nature ; et quand ce sentiment est porté jusqu’à l’héroïsme de la femme, le dévouement ; quand il est allumé par la beauté, excusé par la faiblesse, expié par le malheur, transformé par le repentir, sanctifié par la religion, popularisé dans toute une époque par le génie, éternisé par la constance sur la terre et par ses aspirations à l’immortalité dans le ciel, cet amour se confond presque avec la vertu, il fait de deux amants deux héros et deux saints dont les aventures deviennent l’entretien, et dont les larmes deviennent les larmes d’un siècle.

Telle est l’histoire ou le poème d’Héloïse et d’Abélard. Aucune histoire, aucun poème, n’ont touché plus profondément le cœur des hommes depuis huit siècles. Ce qui émeut si profondément et si longtemps les hommes fait partie de leur histoire ; car l’humanité n’est pas seulement esprit, elle est sentiment : ce qui l’attendrit l’améliore. L’admiration et la pitié amollissent son cœur ; et le cœur, dans l’humanité