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CHRISTOPHE COLOMB.

Son père l’avait confiée aux religieuses de ce couvent en partant pour une expédition navale lointaine. Elle s’appelait dona Felippa de Palestrello. Séduite elle-même par la beauté pensive et majestueuse du jeune étranger qu’elle voyait chaque jour assidu aux services de l’église, elle ressentit l’amour qu’elle lui avait inspiré. Tous deux sans parents et sans fortune sur une terre étrangère, rien ne pouvait contrarier l’attrait qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre ; ils s’unirent par un mariage, sur la foi de la Providence et du travail, seule dot de Felippa et de son amant. Il continuait, pour nourrir sa belle-mère, sa femme et lui, à faire des cartes et des globes recherchés, à cause de leur perfection, par les navigateurs portugais. Les papiers de son beau-père, qui lui furent remis par sa femme, et ses correspondances avec Toscanelli, fameux géographe de Florence, lui fournirent, dit-on, des notions précises sur les mers lointaines de l’Inde, et les moyens de rectifier les éléments alors confus ou fabuleux de la navigation. Entièrement absorbé dans sa félicité domestique et dans ses contemplations géographiques, il eut un premier fils qu’il appela Diego, du nom de son frère. Sa société intime ne se composait que de marins revenant des expéditions lointaines, ou rêvant des terres inconnues et des routes non frayées sur l’Océan. Son atelier de cartes et de globes était un foyer d’idées, de conjectures, de projets, qui entretenait sans cesse son imagination de quelque grand inconnu sur le globe. Sa femme, fille et sœur de marins, partageait elle-même ces enthousiasmes. En contournant sous ses doigts ses globes, et en pointant ses cartes d’îles et de continents, un vide immense avait frappé les yeux de Colomb au milieu de l’océan Atlantique. La terre semblait manquer, là, du contre-poids d’un continent. Des rumeurs vagues, merveilleuses, terribles, parlaient à l’imagination des navigateurs de côtes entrevues du sommet des Açores,