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JEANNE D’ARC.

terre, disait-elle, et vous, duc de Bedford, qui vous dites régent de France ; et vous, Guillaume, comte de Suffolk ; Jean Talbot, et vous, Thomas Scales, qui vous prétendez lieutenant du duc de Bedford, obéissez au Roi du ciel, rendez les clefs du royaume à la pucelle envoyée de Dieu ! Et vous, archers et hommes d’armes qui êtes devant Orléans, allez-vous-en, de par Dieu, en votre pays !… Roi d’Angleterre, si ainsi ne faites, je suis chef de guerre, et en quelque lieu que je vous atteigne, ainsi moi-même le ferai !… Et croyez fermement que le Roi du ciel enverra plus de force à moi que vous ne sauriez en mener dans tous vos assauts. »

Elle les conviait ensuite à la paix, et leur promettait sûreté et bon accueil s’ils voulaient venir traiter avec elle dans Orléans.

Le rire, la dérision et les railleries cyniques des assiégeants furent la seule réponse à cette lettre de Jeanne. Ils l’appelèrent ribaude et gardeuse de vaches. Ils retinrent déloyalement prisonnier son héraut d’armes. Elle en envoya un second à Talbot, pour lui offrir le combat en champ clos sous les remparts de la ville. « Si je suis vaincue, disait-elle à Talbot, vous me ferez brûler sur un bûcher ; si je suis victorieuse, vous lèverez le siège. » Talbot ne répondit que par le silence du dédain. Il se serait cru déshonoré d’accepter le défi d’une enfant et d’une fille.

Jeanne, appelée au conseil des généraux qui commandaient les troupes par respect pour la volonté du roi et pour la superstition du peuple, montra la même impatience de combattre et la même confiance dans l’assistance qu’elle portait en elle. Dunois affectait de lui céder en toute chose, même contre son propre sentiment, sachant qu’en lui cédant il satisfaisait le peuple et il enflammait le soldat. Chef aussi politique que guerrier, le bâtard, s’il ne croyait qu’à demi aux révélations, croyait a l’enthousiasme. La