Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 35.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
JEANNE D’ARC.

Le troisième fils du roi, maintenant Dauphin, devenu plus tard Charles VII, grandit dans cette alternative de mollesse et de proscriptions, qui rappellent Rome par le sang et les Gaules par la légèreté. Il s’essaye à gouverner avec les Armagnacs. Il affecte la lassitude de la guerre et la soif de la paix. Il décide avec peine le duc de Bourgogne a une entrevue, prélude d’une réconciliation générale des princes et des partis sur le pont de Montereau. Le duc, poursuivi par l’ombre de sa victime, le duc d’Orléans, hésite, et craint un piége dans son triomphe. On l’entraîne, il entre dans le pavillon de la conférence : il y tombe à l’instant sous la hache de Tanneguy du Châtel. Un cri d’horreur s’élève de toute la France, et surtout à Paris, vendu aux Bourguignons. On accuse le Dauphin, innocent du crime des Armagnacs, qui avaient frappé seuls, pour prévenir la réconciliation des deux princes. Isabeau, qui accuse elle-même son fils, se fait enlever par les Bourguignons de la captivité où la retenaient les Armagnacs à Tours. Les Bourguignons et la reine se liguent avec les Anglais, maîtres de la moitié du royaume. Elle rentre avec eux dans Paris, sur les cadavres de deux mille Parisiens immolés à la vengeance de Montereau. Elle donna sa fille à Henry V, roi d’Angleterre. Les Parisiens, ivres de la popularité du nouveau duc de Bourgogne, proclament, à l’instigation de ce vassal, le roi d’Angleterre régent pendant la vie de Charles VI, et roi de France après la mort de l’insensé.

Le Dauphin, proscrit par ses oncles et par sa mère, erre de province en province, déclaré coupable d’un crime qu’il n’a pas commis. Le roi d’Angleterre vient prendre possession de la régence à Paris. Deux Frances, deux rois, deux régences, deux armées, deux gouvernements, deux nations, deux noblesses, deux justices sont face à face ; père, fils, mère, oncles, neveux, concitoyens, étrangers, se disputent le droit, le sol, le trône, les villes,