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GUTENBERG.

commencer ses travaux et pour y reconstruire sa vie et sa gloire.

Il était encore jeune, et le bruit de son procès à Strasbourg avait popularisé sa renommée en Allemagne ; mais il rentrait artisan dans une patrie d’où il était sorti chevalier. L’humiliation, l’indigence et la gloire luttaient dans sa destinée et dans les regards de ses concitoyens. L’amour seul le reconnut pour ce qu’il avait été et pour ce qu’il devait être un jour.

Voici ce que disent à cet égard les traditions locales, et ce qu’attestent deux monuments authentiques des archives de la cathédrale de Strasbourg, de l’année 1437 : l’un qui constate que dame Annette de la Porte de Fer, épouse de Gutenberg, fit un don à la cathédrale pour acquérir le droit d’inscrire son nom sur la liste des bienfaiteurs, et assurer ainsi des prières pour elle et ses descendants ; l’autre qui fait mention de son décès.

Gutenberg, prescrit pour la seconde fois par les plébéiens vainqueurs de la noblesse, fut aimé d’une jeune fille, noble comme lui, de la ville de Strasbourg ; elle se nommait Annette de la Porte de Fer, nom de sa maison, sans doute emprunté à la possession de quelque château féodal des rochers du Rhin. Il l’aimait lui-même avec la passion ardente, sérieuse et chevaleresque de ces temps de fidélité. Ils s’étaient promis mutuellement et par écrit mariage. Annette de la Porte de Fer ne s’était pas crue déliée de sa foi donnée, par la pauvreté et par les malheurs de son amant ; elle lui gardait sa jeunesse, sa beauté et son cœur. Gutenberg, à son retour sur le territoire de Mayence, devait réclamer la foi de sa fiancée, et retirer le gage de sa propre foi qu’il avait ainsi jurée ; il ne le fit pas. Soit qu’il craignît d’entraîner Annette, fille noble et honorée, dans l’humiliation et dans l’indigence où il était tombé, soit que le sentiment d’avoir dérogé par ses travaux d’arti-