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GUTENBERG.

maines, l’enthousiasme lyrique pour son créateur et le gémissement terrestre sur ses destinées. La louange et la prière furent, sous les mains de cet homme pieux et malheureux, les deux premiers cris de la presse ! Elle doit s’en glorifier à jamais.

On manque de détails, même à Strasbourg et à Mayence, où nous les avons recherchés, sur ces premières impressions authentiques, parce que, soit par humilité, soit par orgueil, Gutenberg ne fit porter son nom à aucune de ses œuvres de typographie. Les uns croient qu’il s’abstint de les signer par un sentiment de modestie chrétienne, qui ne voulait pas attribuer Et un nom d’homme une gloire qu’il renvoyait tout entière au divin inspirateur de son invention ; les autres pensent qu’il ne les signa pas parce que ces impressions étaient une œuvre industrielle et servile aux yeux de son temps, qui aurait dégradé sa famille et sa noblesse, et fait déroger de son rang dans la patrie.

Nous savons seulement, par un acte de donation fait a sa sœur Hebele, religieuse au couvent de Sainte-Claire, de Mayence, qu’il la mit en possession des livres pieux qu’il avait imprimés et Strasbourg, et lui fit la promesse de lui envoyer successivement tous ceux qui sortiraient de sa presse.

Mais bien des tribulations l’attendaient au lendemain de son triomphe. On a vu que la nécessité de se procurer des fonds pour son entreprise l’avait forcé à se donner des associés. La nécessité maintenant de se donner des auxiliaires dans les travaux multipliés d’une grande imprimerie l’avait obligé à mettre ces associés et un plus grand nombre d’artisans dans la confidence de son œuvre et dans le secret même de ses procédés. Ses associés, lassés de fournir des fonds à une entreprise qui, faute de consommation, ne les rémunérait pas encore, refusèrent de poursuivre une œuvre ingrate. Gutenberg les conjura de ne pas l’abandonner au