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quelques semaines de loisir à la campagne, non la tragédie, non le drame, mais le poëme dramatique et populaire de Toussaint Louverture. Je ne destinais nullement cette faible ébauche au Théâtre Français, je la destinais à un théâtre mélodramatique du boulevard. Je l’avais conçue pour les yeux des masses plutôt que pour l’oreille des classes d’élite au goût raffiné. C’est ce qui explique la nature des imperfections de cet ouvrage. C’est une pièce d’optique à laquelle il faut la lueur du soleil, de la lune et du canon.

Diverses circonstances et diverses questions plus urgentes de politique me firent perdre de vue cette composition ébauchée. Aussitôt après l’avoir écrite, les luttes parlementaires contre la coalition, qui préludait à la révolution sans s’en douter, m’occupèrent deux ans. Je voulais une marche progressive en avant, mais je voulais cette marche en ordre. Je voyais avec peine une fronde et une ligue de mécontentements de cour et d’ambitions de ministères se former sous cinq ou six drapeaux opposés, et se réunir sans sincérité et, sans prévoyance pour assaillir la monarchie par la main des hommes qui l’avaient fondée. Je ne servais pas cette monarchie de Juillet, je m’en tenais sévèrement isolé ; je ne voulais rien lui devoir ; mais elle était le gouvernement constitué du pays ; je répugnais à ces frondes et à ces ligues qui se jouaient la fois de la royauté et de la nation, et qui portaient dans leur sein des tempêtes qu’elles seraient incapables de maîtriser après les avoir déchaînées. Ces luttes parlementaires contre la coalition m’absorbèrent tout entier de 1839 à 1842. Je parlai et j’écrivis sans cesse pour dire à la Chambre : « On vous joue » ; et pour dire au pays « On vous perd. »