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ACTE II, SCÈNE II

isaac, indigné.

Vous n’avez donc jamais connu votre mais
Ni regardé son toit fumer à l’horizon ?

salvador, fièrement.

Je ne connais ni toit, ni foyer, ni famille ;
Ma maison est partout où le nom français brille !
Mais pourquoi faisiez-vous cette réflexion ?

albert.

C’est que nous croyons voir notre habitation,
Le Limbé…

isaac, amèrement à son frère.

Le Limbé…Nous croyons !… Je la vois bien, peut-être !

albert, à Salvador d’un ton d’excuse.

Le pays de mon père et qui nous a vus naître.

salvador, avec dérision.

Oui, les lieux adorés où sur le seuil des blancs
Un conducteur fouettait les esclaves tremblants ;
Le toit de notre enfance où d’un lâche esclavage
Nous faisions en naissant le doux apprentissage ;
Où la verge et la corde étaient nos bons parents.

isaac, vivement.

Dites où notre père a fait fuir les tyrans !
Où sous sa juste main sa race enfin prospère…

salvador, d’un ton insultant.

Ne vous vantez pas tant, petits, de votre père ;
Il faut savoir, avant de nous parler de lui,
S’il sera des Français le rival ou l’appui.

albert.

Oh ! mon père est Français ! je le sens à mon âme !
De son patriotisme il m’a transmis la flamme.
Le parti de ses fils sera toujours le sien.

isaac, à demi-voix.

Le parti de mon père à moi sera le mien.