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ACTE II, SCÈNE II

Que du toit de roseaux emporta mon jeune âge !
Père, mère, Adrienne et tous ceux que j’aimais !

Au nom d’Adrienne, celle-ci laisse tomber de ses mains la corbeille et les patates ; elle se lève en sursaut, s’approche et écoute de plus près avec tous les signes du plus vif intérêt, à demi cachée par la toile de la tente.
isaac, poursuivant.

Que les palais des blancs n’effaceront jamais !

Il s’en va en boudant.
adrienne, à voix basse et convulsivement.
Elle court vers l’ajoupa.

Adrienne ?… Mon nom ?… Deux jeunes noirs !… Ô maître !
Regardez !… Écoutez !…

toussaint.

Regardez !… Écoutez !…Qui ?… Quoi ?…

adrienne.

Regardez !… Écoutez !… Qui ?… Quoi ?…Vos fils, peut-être !

Toussaint soulève d’une main le lambeau de nattes de la cabane ; il tend machinalement ses bras vers ses enfants et il écoute dans l’attitude de l’espion antique.
albert.

Reviens donc, Isaac. Allons, parlons raison.

isaac, courant de l’autre côté de la scène et regardant un autre côté de la campagne éloignée.

Oh là ! quel coup au cœur !… Albert ! tiens, la maison !
Ah ! tu ne diras pas cette fois que je rêve !

Lui indiquant du doigt un point à distance.

Là-bas, bien loin… bien loin… où le brouillard se lève…
Ne vois-tu pas reluire un reflet de soleil
Sur un mur ?… sur un toit au nôtre tout pareil ?

albert, ému et regardant aussi.

Ô ciel ! quel œil perçant que l’œil de la mémoire !
Oui ! c’est là le Limbé sur la rivière Noire !