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ACTE II, SCÈNE II

SCÈNE QUATRIÈME


SALVADOR, ISAAC, ALBERT, ADRIENNE
Isaac arrive le premier, s’élance en courant sur le promontoire, et montre du geste à son frère les montagnes lointaines.
isaac.

Oh ! vois-tu donc, Albert, cette montagne bleue
Avec ce grand vallon qui fuit de lieue en lieue,
Et ce fleuve écumant qui blanchit au-dessous ?…
Tiens ! j’entends son bruit sourd qui monte jusqu’à nous.

albert, avec un geste d’impatience.

Bah ! c’est le bruit du vent dans ces faisceaux darmures.

isaac.

Non, car l’odeur des bois monte avec ses murmures.
Ne vois-tu pas la-bas ces pins à l’horizon,
Dont la tête est semblable au toit d’une maison ?
Sous leurs grands parasols que tout est frais et sombre !
Ô Dieu ! si je pouvais me rouler à leur ombre !
Mais, nous sommes ici comme les colibris
Que dans les bananiers souvent nous avons pris ;
Nous suspendions la cage au bord de la fenêtre,
Pour leur faire mieux voir le ciel qui les vit naître,
Et quand ils s’élançaient vers ce doux horizon,
Ils se déchiraient l’aile au fer de leur prison.

albert, avec colère.

Leur prison ! — Veux-tu bien perdre cette habitude.
Quelle enfance, Isaac, ou quelle ingratitude !…
Quoi ! du premier des blancs petits noirs adoptés,
Recueillis par sa main, grandis à ses côtés ;
Habiter les palais d’où ses peuples débordent,
Que les ambassadeurs en s’inclinant abordent ;