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LE TAILLEUR DE PIERRE

» Sa complaisance et sa douceur étaient toujours les mêmes, et le son de sa voix avait pris quelque chose de plus tendre qu’autrefois. On aurait dit le son d’une cloche fêlée par le marteau. Il croyait que c’était un signe de son amitié augmentée pour lui, le pauvre innocent ! Il attendait impatiemment le moment où je lui dirais : — Tu peux parler à Denise.

» À la fin, je le lui dis. Denise consentit sans murmure à ce que je lui commandai. Elle n’avait rien contre Gratien : au contraire, elle l’aimait comme un frère malheureux.

» Elle se consacrait à son cœur toute sa vie, comme le chien que nous lui avions donné quand il était enfant s’était attaché à ses jambes, qu’il ne voulait plus quitter. Je les fiançai un an après ton départ, et ils ne tardèrent que jusqu’après la Saint-Jean à se marier. Cela ne fit ni bruit, ni joie, ni changement dans la maison, pas plus que s’il y était entré une nouvelle servante. Gratien était bien heureux, et Denise ne montrait point sa pensée. Seulement, si ton sac venait à tomber du clou à terre ou si quelque parent passant par les Huttes demandait de tes nouvelles et disait ton nom, elle s’en allait appeler ses poules ou balayer le palier de l’escalier. Mais jamais un mot plus haut que l’autre entre nous trois.

» Trois ans passèrent comme ça, et Denise eut d’abord sa fille, puis son garçon. Il semblait que ça devait mettre du bonheur de plus à la maison. Eh bien ! non, ça ne fut pas comme je croyais.

» Voilà qu’un soir qu’on parlait de toi dans le pays, un garçon de Saint-Point revenant de l’armée passa aux Huttes, rencontra l’aveugle sur le pas de la porte, et lui dit : — Je reviens de Toulon sur mer ; ton frère Claude travaille au chantier du fort, mais il ne travaillera pas longtemps, le malheureux : ses camarades disent qu’il a le chagrin au cœur, qu’il ne veut ni se divertir, ni boire, ni rire avec eux, qu’il est plus sec que son marteau et