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LE TAILLEUR DE PIERRE

massions pour jouer sur la porte, quand il en roulait une de ses paniers. Elle est grande comme la porte de la maison, sous laquelle elle est obligée de baisser un peu la tête quand elle entre ou sort pour son ouvrage. Elle a les pieds et les mains aussi polis et aussi blancs que les cailloux de notre fontaine ; elle marche, pieds nus, aussi fièrement et aussi gracieusement qu’une dame qui traverse une église et qu’on regarde passer dans ses beaux souliers. Elle a le cou élancé, rond et mouvant comme celui des pigeons quand ils se becquètent les ailes sur le toit. Elle a les lèvres comme des feuilles d’œillet, et les dents comme des pépins de pommes avant qu’elles soient mûres. Elle a l’air doux comme notre mère, fidèle comme notre chien quand il nous regarde. »

» Alors elle devenait toute rouge de honte ou de plaisir, monsieur, sans savoir de quoi ; car pour de la vanité, elle n’en avait pas plus qu’un oiseau qui se peigne au soleil pour faire reluire ses plumes, et elle se cachait le visage dans les deux mains pour rire. Et Gratien lui disait : « Méchante ! pourquoi veux-tu m’attraper ? Ce n’est pas l’embarras, pourtant, j’aimerais autant que tu fusses bien laide, parce que les garçons de Saint-Point ne te regarderaient pas quand tu vas à la fête, et que tu ne quitterais pas les Huttes pour te marier un jour en bas. »

» Et il devenait sérieux, et nous parlions tous trois d’autre chose.


CHAPITRE VII


C’est ainsi que nous approchions, tous les trois, de l’âge où, les enfants du coquetier, ceux du rémouleur et nous-mêmes ayant atteint l’époque de notre majorité, on ferait le partage du domaine commun de la montagne qui, comme