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LE TAILLEUR DE PIERRE

par un petit trou au-dessus du loquet, dans l’intérieur de la hutte. La partie du toit qui s’attachait au rocher et qui en débordait de quelques toises était couverte, au lieu de chaume, de petits balais de genêts fortement liés les uns aux autres par de grosses cordes de paille d’avoine tordue, sur lesquelles glissait la pluie et croissaient des touffes de pariétaire. Le roc lui-même servait de toit naturel au fond de la cabane. On voyait encore, sur ce rebord proéminent du rocher, les restes d’une galerie soutenue par une vieille poutre et décorée d’un débris de balustrade et d’une ou deux marches d’escalier, qui étaient autrefois le porche rustique de la maison. Les lierres chevelus dont j’ai parlé, qui envahissaient à présent toute l’antique demeure, débordaient de cette galerie en ruine jusque sur le toit de la nouvelle hutte. Un cognassier tortueux, quelques genévriers aux perles noires et une immense troche d’aubépine, végétations saxillaires, s’étaient enracinés dans une corniche naturelle du roc. Ils pendaient de là avec leurs branches, leurs guis, leurs fruits et leurs fleurs sur le toit. Ils le recouvraient presque tout entier de feuilles mortes, de feuilles vertes et de neige odorante d’aubépine. Je fus étonné de voir parmi ces branches deux ou trois nids de petits oiseaux des hauteurs. Ils couvaient leurs œufs en me regardant du fond de l’ombre des feuilles. Ils ne s’envolèrent pas à mon approche, comme s’ils eussent par instinct le sentiment d’une confiante sécurité. Les lézards du mur ne s’enfuyaient pas non plus.

Je tirai la ficelle du loquet de bois, et j’entrai dans la cabane en appelant Claude des Huttes. La cabane était vide. J’y jetai rapidement un coup d’œil pour juger des mœurs et des habitudes de l’homme par l’aspect de son habitation. D’un regard je compris la vie de ce pauvre solitaire. Le fond de la hutte était de quelques pieds plus élevé que le plancher. C’était une espèce de lit de pierre creusé au ciseau dans le roc vif, à la taille d’un homme. Ce lit