Toujours quand un grand cœur médite un grand élan,
La prudence et la peur lui compriment le flanc.
On doute ?… Est-ce de moi, des noirs ou de leur cause ?
Mais douter, c’est trahir !… Voyons !
Je crains d’en trop peu dire ou j’ai peur d’offenser.
Êtes-vous donc venus pour m’aider à penser ?
Non, général ! Pourtant, dans ces grandes alarmes,
La pensée est à tous aussi bien que les armes !
Oses-tu sur toi seul prendre un destin pareil ?
Un homme quel qu’il soit vaut-il seul un conseil ?
Lorsqu’il s’agit du sort de nations entières,
Veux-tu tout décider sans consulter tes frères,
Sans même interroger l’instinct du bien commun
Plus infaillible en tous qu’il ne peut l’être en un ?
Conseil des nations plus sûr que tout grand homme,
Congrès en Amérique ou grand sénat dans Rome.
Prêt à prendre pour tous un parti clandestin,
Oseras-tu lutter seul avec le destin ?
Et si Dieu, pour un jour, te retirait sa grâce,
À la postérité répondre d’une race ?
Est-ce faiblesse ou force à l’heure du danger
D’appeler d’autres yeux à tout envisager ?
De convoquer le peuple en un moment suprême,
Et de lui dire : « Vois, décide et fais toi-même :
Dieu qui parle dans tous est plus sage que moi,
Je puis vivre et mourir, mais non juger pour toi. »