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DE SAINT-POINT.

Il fera son prix lui-même, puisqu’il est si juste. Et si mon argent, qu’il aura bien gagné, lui pèse sur sa conscience d’homme charitable, il le donnera à de plus malheureux que lui, voilà tout. Envoyez-le prier de descendre par un de vos bergers ce soir. Demain, je l’attendrai à midi ici. Lors même que je ne m’entendrais pas avec lui, je serai bien aise d’avoir vu un homme qui refuse l’or dans un pays comme ces montagnes, où l’amour du gain est si âpre, qu’un sou de cuivre rouge à perdre ou à gagner semble la dernière fin de l’homme à tant de riches chrétiens. Ce sera pour moi une source d’eau sortant du rocher au milieu de ce sable qui boirait les nuées du ciel.

» — Eh bien, monsieur, je vais vous obéir et l’engager à descendre. Mais j’irai moi-même, car il n’écouterait pas mon berger. Je le raisonnerai mieux que ne ferait un enfant. »

En parlant ainsi, le père Litaud reprit d’un pas encore élastique et vigoureux le sentier de sa ferme pour aller quitter ses sabots, boutonner ses guêtres et prendre son bâton à pointe de fer qui se cramponne au sable de la montagne.

Je rentrai pour prendre mes chiens et mon fusil, et pour monter aux bois sur la montagne du couchant.


CHAPITRE II


Le lendemain, à midi, au retour de la chasse, j’entendis dans la cour les aboiements des chiens. Je descendis : c’était le père Litaud et le tailleur de pierre.

« Voilà Claude des Huttes, me dit le vieux fermier avec un accent de satisfaction dans la voix qui révélait en lui le sentiment du triomphe intérieur qu’il éprouvait d’avoir mieux réussi qu’il ne pensait la veille dans sa négociation. Il consent, ajouta-t-il, à venir faire l’ouvrage de monsieur