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DE SAINT-POINT.

et l’on redescend à pente rapide vers l’ancienne ville claustrale de Cluny, abritée sous les flèches bronzées et muettes des clochers de son abbaye. Mais, au pied de la descente du Bois-Clair, la route se bifurque : un de ses rameaux conduit à Cluny à travers des prairies grasses et monotones ; l’autre rameau mène dans les montagnes du Charolais, toutes pleines de bois, d’étangs, de pâturages mélancoliques et de mugissements de troupeaux.

On suit quelque temps cette route déjà pastorale, où l’on ne rencontre que quelques enfants en haillons qui gardent les chèvres ou qui touchent les bœufs le long des buissons. Puis tout à coup les escarpements du Bois-Clair s’adoucissent à votre gauche ; ils font jour à une petite rivière appelée la Vallouze, qui sort d’une gorge verte et vos pieds. Elle semble, par son scintillement et par son balbutiement sur les cailloux, sous les saules, vous engager à pénétrer dans cette gorge et à visiter la mystérieuse vallée tournante dont elle est la première révélation. On se dit : « D’où viennent ces eaux, et comment une si étroite gorge a-t-elle un si murmurant écoulement ? Elle s’élargit donc ? elle est donc profonde ? elle a donc des flancs haut boisés et de rocheux réservoirs des sources qui l’alimentent ? Qui sait ? Peut-être cache-t-elle aussi dans ses détours quelque large bassin où les prairies se déplient, où les forêts pendent, où les mamelons se renflent, où les rochers portent une église, un village, un squelette décharné d’antique château ? Entrons. »

Et l’on tourne d’une inflexion de sa main gauche la tête et les pas de son cheval vers le sentier sablonneux au bord de la Vallouze, qui entre dans la vallée de Saint-Point.

Ce qu’il y a de plus beau dans la beauté des formes comme dans la beauté morale des caractères, comme dans la beauté matérielle de la création, c’est ce qu’il y a de plus voilé. Les mystères du corps, du cœur ou de la nature sont les ravissements de l’intelligence, de l’âme ou des