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RAPHAËL

CXXXVIII

Et puis je me figurais le moment où, en me promenant derrière les vergers ombragés de noyers qui descendent de la montagne derrière le jardin du vieux médecin, j’apercevrais enfin la fenêtre de la chambre où on l’attendait ouverte pour la première fois ; où une figure de femme s’accouderait à cette fenêtre entre les rideaux en cherchant des yeux quelqu’un !… Mon cœur, à cette image, battait avec une telle impétuosité dans ma poitrine que j’étais obligé d’éloigner un moment cette image pour respirer.

CXXXIX

Cependant la nuit était presque entièrement tombée de la montagne sur le lac. On n’apercevait plus les eaux qu’a travers une brume de clair-obscur qui plombait leur nappe assombrie. Dans le silence profond et universel qui précède l’obscurité, le bruit régulier de deux rames qui semblait s’approcher du bord frappa mon oreille. Je vis bientôt une petite tache mobile sur l’eau grossir à l’œil et se glisser, en jetant une légère frange d’écume de chaque côté, dans l’anse voisine de la maisonnette du pêcheur. Pensant que c’était peut-être le pêcheur lui-même qui revenait de la côte de Savoie à sa demeure abandonnée, je descendis précipitamment des ruines sur la plage pour me trouver à l’arrivée du bateau.

J’attendis sur le sable que le batelier eût abordé. Dès qu’il m’aperçut : « Monsieur, me cria-t-il, êtes-vous le