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RAPHAËL

buis, qui empêchait les chevriers mêmes de m’apercevoir en passant dans le sentier.

Je restai la en contemplation et en souvenirs jusqu’à ce que le soleil touchât presque aux cimes de neige de Nivolex. Je ne voulais ni traverser le lac, ni entrer dans la ville de jour. La rusticité de mon costume, l’indigence de ma bourse, la frugalité de vie à laquelle la nécessité me condamnait pour habiter quelques mois auprès d’elle, auraient paru trop étranges aux habitants et aux hôtes de la maison du vieux médecin. Tout cela contrastait trop avec l’élégance de vêtements, d’habitudes et de vie que j’y avais montrée l’année précédente. J’aurais fait rougir celle que j’aurais abordée en paraissant dans les rues comme un jeune homme qui n’avait pas même de quoi se loger dans un hôtel décent de ce séjour de luxe. Ma résolution était prise de me glisser, de nuit, dans le faubourg de chaume qui règne au bord d’un ruisseau parmi les vergers du bas de la ville.

J’y connaissais une pauvre jeune servante nommée Fanchette. Elle s’était mariée l’année précédente avec un batelier. Elle avait réservé un ou deux lits dans le grenier de sa chaumière, pour y loger et pour y nourrir un ou deux pauvres malades indigents, à quelques sous par jour. J’avais fait retenir un de ces lits et une place à cette pauvre table chez la bonne servante, en lui recommandant le secret. Mon ami L***, de Chambéry, à qui j’avais écrit en lui marquant le jour de mon arrivée au bord du lac, était venu lui-même, quelques jours auparavant, prévenir Fanchette et retenir mon logement. Je l’avais prié, de plus, de recevoir à son adresse, à Chambéry, les lettres qui me seraient écrites de Paris. Il devait me les faire passer par le conducteur de carrioles qui vont perpétuellement d’une de ces villes à l’autre. Je devais me tenir renfermé, pendant mon séjour à Aix, dans la petite chambre de la chaumière du faubourg, ou dans les vergers voisins, tant que le jour du-