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RAPHAËL

LXXXVII

Ce furent là les jours les plus pleins de ma vie, parce qu’ils n’étaient plus qu’une seule pensée recueillie dans mon âme comme un parfum dont on craint de laisser évaporer une parcelle en exposant le vase à l’air extérieur. Je me levais aux premières lueurs du jour tardif dans l’alcôve sombre de la petite antichambre où mon ami m’abritait comme un mendiant de l’amour. Je commençais ma journée par une longue lettre à Julie. J’y reprenais avec elle, à tête reposée, l’entretien de la veille. J’épanchais les pensées qui m’étaient venues après l’avoir quittée. Tendres oublis, délicieux remords de l’amour dont il s’accuse, qu’il se reproche, et qui lui ôtent tout repos jusqu’à ce qu’il les ait réparés ; diamants tombés des yeux ou des lèvres de l’objet aimé, qui font revenir la pensée sur ses pas pour les ramasser et grossir le trésor de ses sentiments !…

Julie recevait cette lettre à son réveil, comme une suite de la conversation du soir, qui aurait continué à voix basse dans sa chambre pendant son sommeil. Je recevais sa réponse moi-même avant le milieu du jour.

LXXXVIII

Mon cœur ainsi apaisé du trouble de la nuit, je m’efforçais de calmer l’impatience qui commençait à me saisir pour l’entrevue du soir. Je donnais de fortes diversions non à mon âme, mais à ma pensée et à mes yeux. Je m’étais