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RAPHAËL

de l’église, les pieds sur la tombe des morts. Les allées autrefois sablées, maintenant recouvertes de terre humide et de mousse jaune, montraient assez l’abandon où les laissait l’absence des hôtes. Oh ! que nous aurions voulu y découvrir une empreinte du pied de madame de Warens, du temps où elle allait d’arbre en arbre et de cep en cep, des corbeilles à la main, cueillir les poires du verger ou les raisins de la vigne ! folâtrant avec l’élève ou avec le confesseur Mais il ne reste plus d’autre trace d’eux dans leur maison qu’eux-mêmes. Leur nom, leur mémoire, leur image, le soleil qu’ils ont vu, l’air qu’ils ont respiré et qui semble encore rayonnant de leur jeunesse, tiède de leur haleine, sonore de leur voix, vous enveloppent des mêmes lueurs, des mêmes respirations, des mêmes rêves et des mêmes bruits dont ils enchantaient leur printemps !

Je voyais, au recueillement, et la physionomie pensive et aux silences de Julie, que l’impression de ce sanctuaire ne la remuait pas moins profondément que moi. Elle me fuyait même par moments, pour se recueillir seule dans ses pensées, comme si elle eût craint de me les communiquer toutes, rentrant, pour se chauffer, dans la maison, pendant que j’étais au jardin, retournant au jardin et s’asseyant sur le banc de pierre de la tonnelle, quand je venais la rejoindre auprès du feu.

À la fin, j’allai la retrouver sous la tonnelle ; les dernières feuilles jaunies de la treille pendaient, près de se détacher de leur pampre ; elles laissaient le soleil l’inonder et comme la vêtir de ses rayons.

« À quoi voulez-vous donc penser sans moi ? lui dis-je avec un accent de tendre reproche. Est-ce que je pense jamais seul, moi ?

» — Hélas ! me dit-elle, vous ne me croirez pas ; mais je pensais que je voudrais être madame de Warens pendant une seule saison pour vous, dussé-je voir le reste de mes