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RAPHAËL

de mes relations avec cet excellent homme, dont j’admirai et je chéris toujours depuis le caractère sans partager ses doctrines théocratiques. Mon adhésion à ses symboles que j’ignorais n’avait été qu’une complaisance à l’amour. Elle eût été depuis un hommage à la vertu. Mais M. de Bonald était, comme M. de Maistre, un de ces prophètes du passé, un de ces vieillards d’idées qu’on salue avec vénération. Debout sur le seuil de l’avenir, ils ne veulent pas y entrer, mais ils s’arrêtent un moment pour entendre les beaux gémissements des choses qui meurent dans l’esprit humain !

LI

Ce n’était déjà plus l’automne ; c’était un doux hiver encore éclairé et attiédi par des échappées de soleil entre les nuages. Nous nous faisions encore illusion et nous nous disions que c’était l’automne. Nous avions tant horreur de reconnaître l’hiver qui allait nous séparer.

La neige tombait souvent le matin, par légères taches blanches, sur les roses de Bengale et, sur les immortelles du jardin, comme le duvet blanc des cygnes qui auraient mué la nuit, au-dessus des peupliers où nous les voyions traverser l’air. À midi, le soleil fondait cette neige. Il y avait souvent des heures délicieuses sur le lac. Le mouvement et l’haleine des eaux y attiédissaient en les réfléchissant les derniers rayons de l’année. Les figuiers qui pendent des rochers exposés au midi sur les vagues, dans l’abri des anses, avaient encore leurs larges feuilles. Les réverbérations du soleil contre ces rochers leur donnaient encore les couleurs, les splendeurs et les chaleurs des soirées d’été. Seulement ces heures étaient rapides comme la fuite des