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faire les honneurs de chez lui. Lorsque Toussaint eut été arrête pour être conduit en France, que Christophe, Clervaux, Pétion et Dessalines furent se réunir aux bandes du chef Sylla, qui le premier avait levé l’étendard de la révolte, que l’insurrection des noirs fut devenue générale, je dus me tenir en réserve et presque en défense contre Maurepas. Il s’en aperçut et me parut très-peiné de ma méfiance, il s’en expliqua avec franchise ; il me dit que son parti était pris, qu’il ne se séparerait pas une seconde fois de la France, quel que pût être le sort qui lui était réservé ; que si je voulais il m’allait remettre le commandement, et que je n’avais qu’à en écrire au général Leclerc et lui demander pour lui, Maurepas, de passer en France. Quoique content de cette explication, j’écrivis au capitaine général. Je ne reçus d’autre réponse que celle d’ordonner à Maurepas de se rendre au Cap pour y recevoir une destination ultérieure. Je lui communiquai cet ordre ; il ne balança pas à s’embarquer avec toute sa famille, et partit pour le Cap. J’appris quarante huit heures après qu’en entrant en rade, lui, sa femme, ses enfants en bas âge avaient été jetés à la mer. Il n’avait demandé d’autre grâce que celle de n’avoir pas les mains liées derrière le dos. Jamais nouvelle ne m’a plus contristé ; j’en fus tout absorbé. Je me rappelais qu’accompagnant Maurepas sur le port, et au moment de nous séparer, il m’avait dit en m’embrassant : « Vous ne me verrez plus, ils veulent me tuer ; le général Debel est mon ennemi. » Que ne lui dis-je pas pour le rassurer ? je lui donnai ma parole d’honneur qu’il n’avait rien à craindre. Le général Leclerc fut trompé, tout le prouve. Dans la supposition où le capitaine général