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TOUSSAINT LOUVERTURE.

Toi, qu’en pressant jadis tout petit sur mon sein,
J’affranchissais du cœur dans mon secret dessein !
De mes premiers exploits, chère et première cause,
Qui dans chaque espérance étais pour quelque chose,
Qui te réfléchissais grand, libre, heureux et roi,
Dans les ruisseaux de sang que je versais pour toi,
Tu ferais éclater ce cœur dans ma poitrine,
À l’heure où nos tyrans penchent vers la ruine ?
Et dans ce fils, qu’un monstre a pu dénaturer,
Tu leur porterais ! quoi ? ma chair à torturer !
Ô ciel ! rends-moi mes fers ; ô ciel ! rends-moi mes maîtres !
L’esclave eut des enfants ! le chef n’a que des traîtres !
Mais non ! je m’avilis en efforts superflus ;
Il se tait !… Eh bien, pars ! je ne te connais plus !…
Pardonne, ô mon pays ! ce cri de la nature,
Ce cri qu’au patient arrache la torture,
En déchirant son sein sans ravir son secret !
Tu m’arraches le cœur, oui ! mais pas un regret !

À son fils avec mépris.

Reprenons tous les deux moi ma mort, toi ta chaîne !

albert, avec embarras.

Ô mon père ! au consul ma parole m’enchaîne ;
Si je ne pouvais pas vous fléchir, j’ai promis
De ne pas me ranger parmi ses ennemis.
Pardonnez ! votre gloire et notre délivrance
Pour vous sont en ces lieux, et pour moi sont en France !
En vain mon cœur se brise en s’arrachant d’ici !
Ma promesse… est ailleurs !…

adrienne, se précipitant à ses pieds.

Ma promesse… est ailleurs !…Et ton amour aussi !
Eh quoi ! les bras levés de ta pauvre Adrienne,
Cette vie en naissant enchaînée à la tienne,
Ce cœur qui n’a vécu que de son seul amour !
Qui, dans les jours sans fin, n’attendait qu’un seul jour !