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juste et tout naturel de commander au moins à ses compatriotes qui le désiraient, le demandaient pour chef, et ne l’ont que trop bien secondé. Voilà le but où tendaient tous ses vœux et tous ses travaux. Bientôt il sentit qu’il fallait reconstruire ce qu’il avait détruit ; il s’en occupe avec beaucoup de ténacité, et tous les hommes lui sont bons, quelles que soient leur couleur et leur opinion.

» Malheur à qui oserait le tromper, il abhorre les menteurs. On lui en impose difficilement ; il est méfiant à l’excès, et pardonne rarement à ceux de sa couleur, dont il connaît bien le génie inquiet.

» Chaque année il envoie à son ancien maître, réfugié aux États-Unis, le produit de son habitation et beaucoup au delà… Je pourrais encore ajouter bien des choses. Je crois suffisant ce que je viens de dire.

» Ce ne sera pas une histoire dénuée d’intérêt que celle de Toussaint, si elle paraît jamais, et surtout si elle est écrite avec impartialité, et s’il est permis de tout dire.

» Lorsque Toussaint fut forcé de se soumettre, et qu’il eut obtenu que tout serait oublié, il vint au Cap ; il osa y entrer précédé de trompettes, trente guides en avant et autant en arrière ; il fut hué, insulté même par les habitants ; il était accompagné du général Hardi, vers lequel il se tourna, et il lui dit froidement ; « Voilà ce que sont les hommes partout ; je les ai vus à mes genoux, ces hommes qui m’injurient, mais ils ne tarderont pas à me regretter. » Il ne s’est pas trompé. Le général Leclerc le prévint ; on dit qu’il conspirait ; il fut arrêté et envoyé en France.

» Christophe est né dans l’île anglaise qui porte