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ACTE II, SCÈNE II

Tu chantais d’un cœur gros et d’angoisse étouffant,
Cet air avec lequel tu me berçaís enfant,
Tu sais : « Dors, oiseau noir, le colibri se couche… »
Tout mon être à l’instant s’envola sur ta bouche !
Je me levai, je vis un large soupirail
Que voilaient l’aloës et l’herbe à l’éventail ;
Je plongeai mes regards dans ces ombres funèbres,
Mais je ne pus rien voir en bas que des ténèbres ;
Je courus, je cherchai pas à pas tout le jour
À découvrir l’accès de ce morne séjour ;
Je vis, par les barreaux d’une ancienne poterne,
Ce corridor voûté qu’éclairait un jour terne ;
Je t’aperçus, mon cœur dans ton sein s’envola !
Tu me tendis les bras, j’y fus !… et me voilà.

adrienne.

Te voilà ! te voila !… Fais donc voir ton visage,
Cher petit… embelli, mais non changé par l’âge ;
De ces noirs souterrains affrontant l’épaisseur,
Courageux comme un frère et doux comme une sœur.

isaac.

Chère sœur !… Avant tout laisse que je délivre
Tes beaux pieds, tes beaux bras de ces anneaux de cuivre ;
Cruels anneaux ! par eux tes membres entravés…
Laisse-moi tenter… Non… l’un dans l’autre rivés…
Malheureux ! je ne puis seulement les détendre…
Hélas ! ma main d’enfant est trop faible et trop tendre ;
Mais si mon frère… Oh oui ! j’y cours, comme autrefois.
Attends, nous revenons.

adrienne.

Et nous serons tous trois !

isaac.

Trois ! Ah ! c’est vrai ! lui seul doublera notre joie ;
Pour qu’elle soit complète, il faut qu’il te revoie.