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ACTE II, SCÈNE II

J’ai juré que jamais, chez cette race abjecte,
Je n’avais profané ce cœur qui se respecte ;
Que nulle enfant d’esclave, en cet impur séjour,
N’avait reçu de moi la honte avec le jour !…
Mes serments indignés ont scellé mon parjure ;
Mais lui, feignant de croire et retirant l’injure,
M’a laissé lire au fond d’un oblique regard
Que sa crédulité n’était qu’un froid égard,
Qu’il soupçonnait encor même après cette épreuve,
Comme s’il attendait ou tenait quelque preuve.

serbelli.

Existe-t-elle ?

salvador.

Existe-t-elle ? Oui !

serbelli.

Existe-t-elle ? Oui ! Oui… Comment l’anéantir ?

salvador.

En sachant dérouter comme j’ai su mentir.

serbelli.

Qu’espères-tu ? voyons !

salvador.

Qu’espères-tu ? voyons ! Retrouver cette fille,
Reste égaré par moi d’une fausse famille.
Les noirs de sa retraite ont, dit-on, le secret…
Cherche à t’insinuer dans leur cœur, sois discret

serbelli.

Mais les noirs de son sort savent-ils le mystère ?

salvador.

Oui ; va, feins d’exécrer le blanc qui fut son père,
Achète, au prix de l’or, l’enfant à ses gardiens,
Embarque-la sur l’heure à tout hasard, et viens
M’assurer que la mer avec cette bannie
Emporte tout témoin de mon ignominie.