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Là, ces prêtres sortis des sacrés tabernacles
Dont l’Église agitée implorait les oracles,
Ébranlant les palais des foudres de leurs voix,
Tonnaient au nom du ciel sur les crimes des rois.
Là, ces preux appuyés sur leur vaillante épée,
Partant pour conquérir une tombe usurpée,
Ne demandaient pour prix de leurs nobles combats
Qu’un signe de salut qui bénît leur trépas,
Ou qui n’en rapportaient, dépouille auguste et sainte,
Que du sang du Sauveur un peu de terre empreinte !
Là, ces chantres fameux dont les divins accords
Attiraient les enfants des peuples vers ces bords,
Et sur le monde épris de leur mâle harmonie
Faisaient parler leur langue et régner leur génie !
Là, ces tribuns, l’amour, l’horreur des nations,
Soufflant contre les lois le feu des factions,
Soulevés, déchirés par des mains forcenées,
Subissant les fureurs qu’ils avaient déchaînées !
Là, ce nouveau César, dont la terrible main,
Sur son siècle indompté jetant un joug d’airain,
Comme un subit éclair sort du choc des nuages,
S’élançait triomphant du sein de ces orages,
Du fer qu’elle a forgé frappait la liberté !
Puis, tombant sans empire et sans postérité,
Semblable au feu du ciel qui dévore et qui passe,
Ne laissait qu’un trophée et du bruit sur sa trace.


Et maintenant couverts des ténèbres du temps,
Ces lieux sans souvenirs, sans voix, sans habitants,
Ont oublié les pas et les œuvres de l’homme
Et n’entendent pas même une voix qui les nomme !
J’allais pleurer sur eux, mais l’Esprit : « Que fais-tu ?
Ménage, me dit-il, ta force et ta vertu ;