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Et vers les champs déserts de l’antique Paris
Me jette épouvanté sur d’immenses débris.
C’était l’heure où jadis, au réveil de l’aurore,
Les rayons précurseurs du jour qui vient d’éclore
Teignant les dômes saints de douteuses clartés,
Un bruit immense et sourd s’élevait des cités !
Comme on dit qu’à l’aspect de la céleste flamme
Le marbre de Memnon résonne et prend une âme,
L’airain, retentissant au sommet de ses tours,
Des fidèles au temple appelait le concours ;
Le prêtre, accompagné des célestes cantiques,
Guidait la foule errante autour des saints portiques.
Le clairon belliqueux résonnait : à sa voix,
Les guerriers qui veillaient aux barrières des rois,
Ceignant des feux du jour leur cuirasse frappée,
Comme un rempart d’acier s’alignaient sous l’épée ;
La chute du marteau, le roulement des chars,
De leurs bruits discordants ébranlaient les remparts ;
Les bornes des palais laissaient tomber leur chaîne,
Les gonds d’airain criaient sous les portes de chêne ;
Et, comme un fleuve immense et grossi dans son cours,
La foule s’écoulait pour le travail des jours.


« Mesure, dit l’Esprit, les vanités du monde. »
Il dit. Je ne vis plus qu’une forêt profonde,
Qui, d’un fleuve fangeux couvrant les bords obscurs,
Croissait languissamment sur le bord de ses murs ;
Le flot, triste et dormant sous son arche écroulée,
D’un murmure plaintif remplissait la vallée,
Où la Seine, jadis reine de ces beaux lieux,
Roulait avec amour dans son sein orgueilleux
Les ombres des palais qui couronnaient les rives,
Et, sous des ponts d’airain pressant ses eaux captives,