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D’un vol irrégulier serpentant dans la plaine,
Le souffle impétueux m’emportait vers la Seine !
Mais quand du haut des airs mes regards effrayés
Reconnurent ces bords qui fuyaient sous mes pieds :
« Que de ton vol ardent la course se modère,
Lui dis-je, et de plus près rasons ici la terre !
Laisse-moi rechercher dans ces vallons flétris
Des lieux où j’ai passé les vestiges chéris :
C’est ici que d’ombrage et de fleurs embellie,
La terre m’apparut, au matin de ma vie,
Comme un lieu permanent où l’homme avant le soir
Pouvait sur de longs jours fonder un long espoir !
C’est ici que plus tard, dans l’été de mon âge,
Trouvant un port tranquille après un long orage
Dans le sein de l’amour entraîné par l’hymen,
Et cultivant les fruits de mon champêtre Éden,
Dans le calme des nuits recueillant mon délire,
Au Dieu qui l’inspirait je consacrais ma lyre !
Là je voyais jouer sur le gazon des prés
De nos chastes amours les présents adorés !
Là je plantais pour eux le chêne au large ombrage,
Dont le dôme éternel, élargi d’âge en âge,
Devait, prêtant son ombre aux fêtes du vallon,
Porter de fils en fils mes bienfaits et mon nom !
Là je semais l’épi ; là je creusais la rive
Où mes soins enchaînaient une onde fugitive !
Le temple du Seigneur s’élevait sur ces bords ;
Là veillait le pasteur sur la cendre des morts !
Là dormaient ses aïeux ; là l’humble croix de pierre
De son ombre immobile a couvert leur poussière !
Ses débris mutilés couvrent encor leurs os !
Mânes ! goûtez en paix ce reste de repos !
Bientôt… » Mais, m’arrachant des lieux de ma naissance,
L’Esprit impatient me gourmande et s’élance,