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peindre l’inexprimable ; d’ailleurs, il y avait autour de tous les traits, de toutes les lignes, de toutes les teintes de la peau, de toutes les expressions de la physionomie, une atmosphère et comme un rejaillissement d’âme, de jeunesse, de vie, de splendeur, tel qu’on ne voyait pas ces traits, ou qu’on ne les voyait qu’à travers un éblouissement, comme on ne voit le fer rouge qu’à travers sa vapeur ignée dans la fournaise. Ce visage, transpercé de part en part par la lumière, tant la carnation en est limpide, se confondait si complètement avec les rayons par la transparence et la couleur blanche et rose du front et des joues, qu’on ne pouvait dire ce qui était du soleil et ce qui était de la femme : où commençait, où finissait le rayon du ciel et la créature céleste. C’était, si tu veux, une incarnation de la lumière, une transfiguration des rayons du soleil en visage de femme, une ombre de visage entrevue au fond d’un arc-en-ciel de feux ! Mais, bah ! efface tout cela, ou ne le lis pas ; c’était ce que tu as rêvé peut-être dans l’heure la plus amoureuse de tes inspirations pour fondre d’un regard un cœur insensible dans un cœur d’homme ! Ce que tu n’as jamais pu dire ; ce que Raphaël a entrevu dans ses dernières touches, quand il devenait plus homme et moins mystique ; un visage entre la Vierge et la Fornarina, divin par la beauté, féminin par l’amour ! de ces yeux qui, s’ils vous regardaient jamais, attireraient votre âme tout entière sur vos yeux et sur vos lèvres, et la consumeraient dans un éclair ! Efface encore, ce n’est pas cela, car l’éclair foudroie, et ce visage enlève et attire. Ce n’est pas la foudre, non, c’est plutôt l’évaporation soudaine de l’âme vers la divinité de l’attrait… Tiens ! je brise ma plume, je maudis les mots ; ce n’est rien de tout cela ! c’est tout cela, et puis encore, après tout cela, c’est elle ! Prends que je n’ai rien dit.