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Les hommes et la religieuse échangèrent entre eux des regards d’étonnement, comme pour se dire : « Nous avions compté sans la nature. »


CLXXIII


« Mais, mes braves gens, dit enfin la vieille dame, et toi, mon enfant, vous ne pouvez pas vous obstiner ainsi à refuser à la famille et à la tante du père naturel de cet orphelin ce qui leur appartient par la société et par la loi.

« — Et par la nature aussi, dit Geneviève en pensant à elle-même.

« — Non, reprit la supérieure, vous ne le pouvez pas, ma pauvre femme. Je suis là obligée en conscience d’être témoin contre vous. L’enfant est bien le fils du sous-officier qui l’a reconnu par testament et de la sœur de Geneviève, qui a les mêmes droits sur sa possession, puisque c’est son sang et qu’il lui a coûté tant d’années de honte imméritée et de peines ! »

Geneviève regarda la supérieure avec un regard de reconnaissance plein d’espoir.

« — Il est aux parents du père, dit le juge de paix. Vous n’avez qu’à parler, Madame ; vous n’avez qu’à produire à Grenoble le testament de votre neveu et le témoignage de madame la supérieure, et l’enfant vous sera remis sans contestation par la justice.

« — Et vous appelez cela de la justice ! dit Luce en s’élançant vers la porte comme pour emporter et pour aller cacher son nourrisson.

On la retint.

« Je ne suis pas venue de si loin pour réparer un mal