considérable, bien que ses frères et sœurs soient morts depuis, car ils ont laissé des enfants ; mais enfin, bien que cette part d’héritage ne s’élève qu’a un millier de louis, j’aurais été bien coupable devant ma conscience et devant Dieu si je n’avais pas cherché tous les moyens de la restituer à la mère et à l’enfant auxquels cette petite fortune était destinée. Et puis j’ai une certaine fortune moi-même ; j’adorais mon neveu : il me serait si doux de le retrouver dans un autre être, me rappelant ses traits et me rendant une partie de son cœur ! Je ne devais rien négliger et je ne négligerai rien, en effet, pour sauver cet orphelin, s’il existe, de la misère et de l’abandon.
Geneviève, à ces mots, regardant d’un œil significatif la supérieure, comme pour lui dire : « Observez ce qui va se passer, » se leva de sa chaise, alla sur le palier, prit l’enfant par la main, et, le menant devant les genoux de l’étrangère, ne lui dit rien, mais appela, comme par hasard, son attention sur ce joli visage, en étudiant la physionomie de la vieille dame.
L’interrogation muette ne fut pas longtemps sans réponse.
« Quel est cet enfant, mon Dieu ! s’écria la bonne dame, quel est cet enfant, mademoiselle ? Je crois revoir l’image de mon neveu quand il avait l’âge de cet innocent !
« — C’est le mien, madame, dit Luce en hésitant, en rougissant et en pâlissant tour à tour, comme si elle avait dit un mensonge.
« — Oh ! oui, c’est le nôtre, dit le malade, comme si, par ce mot, le premier qu’il disait depuis son agonie et depuis l’aveu de Luce, il eût voulu tout à la fois indiquer indirectement à sa femme qu’il lui pardonnait et qu’il adoptait aussi l’enfant.
« — Non, non, ne mentez pas, Jean ; ne balbutiez pas, ma pauvre Luce, dit Geneviève ; c’est votre enfant par