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porterait tout en disparaissant. Luce rendait cœur pour cœur à Geneviève. Dans ces cœurs simples, l’amitié n’a pas les réserves et les prudences qui la rendent lente et soupçonneuse dans les classes où les sentiments sont plus compliqués. Se rendre service, c’est se connaître ; se plaire, c’est s’attacher. La nature ne réfléchit pas, elle sent : ces deux femmes s’aimaient.


CLI


Un soir, Jean, presque convalescent, dormait d’un sommeil paisible sur son traversin, éclairé d’un rayon du soleil couchant. Je félicitais Geneviève et Luce du miracle obtenu de Dieu et de la nature par leurs prières et par leurs soins. Geneviève ne perdait pas un instant de vue la pensée d’éclairer le mystère déjà à demi découvert de l’enfant. Elle s’assit sur le rebord d’un des lits éloignés du malade, à côté de Luce.

Je m’assis moi-même sur le rebord du troisième grabat, en face des deux femmes. Les yeux de Geneviève me sollicitaient de parler à Luce. Je les compris. J’amenai l’entretien à ce ton grave et attendri d’intimité produite par un bonheur senti en commun. Le bonheur ouvre l’âme, et tout s’échappe par les fentes du cœur avec les larmes douces de la joie.

« Vous n’avez dit qu’un mot l’autre jour devant les témoins, dis-je à Luce, un mot qui vous a bien coûté, nous l’avons vu, pour avouer à votre mari que vous l’aviez trompé huit ans, en lui faisant accroire que cet enfant que vous paraissiez tant aimer était le vôtre ; mais aujourd’hui que Jean est sauvé et que vous aurez à lui dire tout, à loi-